Margot Bruyère

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Chroniques du lundi

(Publiée le 16 septembre 2006 par Margot Bruyère)

Mariage à Penmarc'h

Il y a un an maintenant, je relatais dans cette chronique le mariage de mon neveu Christophe Gaumé et de Céline Chollet. Fin 2005, j'avais supprimé toutes les chroniques de l'année, pensant qu'il était inutile de les conserver. Or, voici qu'on me demande à plusieurs reprises de remettre celle-ci en ligne. Ce que je fais bien volontiers. J'y joins la réponse des jeunes mariés.

"Cela aurait pu être un mariage comme les autres: un ciel bleu moutonné de nuages blancs portés par la brise, un carillon de cloches, une mariée clignotant des yeux sous le soleil au sortir de la pénombre de l'église… Bref, l'image d'Épinal d'un mariage. Banal, quoi.

Mais, heureusement, il pleuvait comme il sait pleuvoir au pays bigouden: un petit crachin qui se transforme peu à peu en une vraie pluie, mouillant les souliers vernis et piquant dans la boue des allées les talons pointus des escarpins; un vent sournois soulevant les parapluies, aplatissant les chapeaux légers, décoiffant et recoiffant les femmes à sa guise.

Sanglé dans son uniforme de lieutenant de vaisseau, il attendait la mariée au pied de l'autel. Elle est arrivée avec quelques minutes de retard, juste ce qu'il fallait pour attiser sa curiosité. Tout le monde guettait la porte de l'église par laquelle elle ferait son entrée. Moi, je surveillais le marié et j'ai vu son regard s'illuminer tandis qu'elle remontait la nef, aérienne, irréelle dans sa robe blanche, ses grands yeux de porcelaine bleue fixés sur lui avec une fierté inquiète: son miroir lui avait dit qu'elle était belle, et pourtant son regard, tendu vers son mari, quémandait son approbation à lui, la seule qui lui importât: "Est-ce que tu me trouves jolie? Est-ce que je te plais?". Le reste du monde n'existait pas.

Comment ne l'aurait-il pas trouvée jolie? Et tellement émouvante son inquiétude!

Au sortir de l'église, il pleuvait toujours. Sabre au clair, les amis officiers leur ont fait une haie d'honneur sur le parvis. Quand ils sont apparus tous les deux sous le porche, les gouttes de pluie qui tombaient sur l'acier des sabres se sont transformées en perles de lumière.

Et j'ai pensé que, puisqu'ils avaient ainsi apprivoisé le mauvais temps, ils seraient capables de s'aimer pour le meilleur et pour le pire."


RE: Mariage à Penmarc'h (Céline et Christophe Gaumé, le 31-08-2005)
Chère Coco,
Après deux jours de rangement et de mouvements divers "post-mariage", nous venons de réintégrer notre foyer toulonnais, et nous découvrons tout juste cette chronique.
Lundi fût une journée bien particulière, car nous nous sommes retrouvés seuls pour la première fois face aux endroits où les festivités eurent lieu. D'abord la salle "Chez Savina" (ou "chez Vich'" suivant la génération de la personne interrogée) de Saint Guénolé où, pour la petite histoire, eut lieu une scène du film "Western" (road movie bigouden mettant en scène Sergi Lopez). Puis l'église Saint Nonna du bourg de Penmarch', qui n'a pas fait l'objet d'un film connu mais peut maintenant se vanter d'une si belle chronique. Ces moments, en ravivant des souvenirs encore frais et comme survenus d'un rêve, nous ont vraiment bouleversés, et nous pensions avoir épuisé notre allocation d'émotions fortes en prenant le train mardi pour rejoindre Toulon.

Et bien non! Voilà que Tante Coco, plus connue sous le nom de Margot Bruyère (tous les grands chefs de guerre utilisent un surnom pour mieux répandre la terreur) nous attaque à grand coup de mots en optimisant tous les paramètres d'un tir réussi : surprise de l'ennemi, précision, puissance de frappe. Quel choc ! Et nous revoilà repartis, Céline et moi, pour une séance de "Oh la la !", "Oh ba dis donc !" devant l'écran de l'ordinateur. Alors, j'essuie mes yeux - figure toi que deux poussières ont eu l'affront d'effectuer une attaque coordonnée à ce moment précis!

Et bien ma chère Coco, toi qui parlais d'un acier qui transformait la pluie en lumière, je viens de découvrir que celui de ta plume transforme les larmes en mots et ça, c'est unique.

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 Mariage à Penmarc'h (Margot Bruyère, 16-09-2006)